L’attentat de Charlie Hebdo est le type d’événement qui
affecte l’opinion publique. On peut s’attendre à ce que l’opinion publique
française ait été profondément bouleversée dans ses priorités politiques. Et cela
pourrait être l’occasion pour l’exécutif de se relancer à partir de nouvelles
thématiques.
Le baromètre des politiques publiques, réalisé par le SIG, le LIEPP et la Fondation Jean Jaurès, vient de livrer sa réponse et elle n'est pas très encourageante pour l'exécutif. Le questionnaire a été administré au début du mois de février 2015, soit un mois environ après les attentats. Le graphique ci-dessous présente les indices de changement et de direction. Le premier indique la part des personnes interrogées souhaitant un changement du poids budgétaire d’un ensemble de politiques publiques actuelles. Cette question est posée pour une trentaine d'enjeux. L'indice présente la moyenne des répondants souhaitant un changement en matière de dépenses sur chaque enjeu.
Le baromètre des politiques publiques, réalisé par le SIG, le LIEPP et la Fondation Jean Jaurès, vient de livrer sa réponse et elle n'est pas très encourageante pour l'exécutif. Le questionnaire a été administré au début du mois de février 2015, soit un mois environ après les attentats. Le graphique ci-dessous présente les indices de changement et de direction. Le premier indique la part des personnes interrogées souhaitant un changement du poids budgétaire d’un ensemble de politiques publiques actuelles. Cette question est posée pour une trentaine d'enjeux. L'indice présente la moyenne des répondants souhaitant un changement en matière de dépenses sur chaque enjeu.
Ce pourcentage reste étonnement stable au cours du
temps : environ 60 pour cent souhaitent soit des augmentations soit des
diminutions de dépenses quelle que soit la vague de l’enquête. Les variations
sont donc très faibles. On constate une légère diminution en février par
rapport à décembre, mais les valeurs restent très proches des vagues
précédentes.
L'indice de direction (à droite), montre, en outre, que
cette volonté de changement n'est pas très concentrée. En effet, malgré une
légère augmentation depuis le mois de juin, ceux souhaitant moins et plus de
dépenses se neutralisent. La part de ceux demandant une augmentation ne dépasse
celle de ceux demandant une diminution que de 0.8 pour cent.
Si on laisse de côté la question des dépenses, les priorités
en matière de politiques publiques ne semblent pas affectées non plus par les
événements de janvier. Les questions « non-financières » témoignent également d'une très grande
stabilité. La réglementation de l'euthanasie ou du déficit budgétaire, le SMIC
ou la sévérité des peines, voilà autant d’enjeux que les répondants souhaitent
voir approfondies « plus » (bleu clair) et « beaucoup plus (bleu
foncé). Là encore, les événements de janvier ne semblent pas avoir bouleversé
la hiérarchie des priorités.
Cependant, lorsqu’on voit d’un peu plus près les enjeux qui
sont susceptibles d’être touchés par les attentats de Charlie Hebdo, un effet
est visible. Le tableau 1 montre le pourcentage des répondants qui veulent
dépenser moins dans des domaines qui ont un lien direct avec les attentats de
Charlie Hebdo.
Avant tout, les questions militaires et de défense nationale
peuvent être directement associées à la question du terrorisme. L’opinion
pourrait alors pousser vers un pacifisme accru et une diminution des actions
militaires françaises, ou alors pourrait s’orienter davantage vers un
renforcement de cette politique. Or, concernant les missions de l'armée
française à l'étranger, on atteint en février le niveau le plus bas de
personnes qui souhaitent qu’on les réduise. Néanmoins, il faut introduire deux
nuances : premièrement, le pourcentage de septembre 2014 est assez proche
de celui de février 2015. L’effet n’est donc pas exceptionnel. Deuxièmement,
ces pourcentages, en termes absolus, restent tout de même assez élevé.
Autrement dit, les français ne soutiennent pas trop les missions militaires à
l’étranger.
Lorsqu’on regarde le soutien à une baisse de dépenses dans
l’armée et la défense, en revanche, l’effet Charlie Hebdo apparaît clairement.
Depuis juin 2014, le pourcentage de français qui souhaitaient réduire les crédits
militaires était stable et se situait autour d’un tiers des répondants. En
février ce pourcentage chute brusquement de moitié.
Tableau 1 :
Enjeux potentiellement associées à l’attentat de Charlie Hebdo.
Il faut diminuer
les dépenses pour :
|
Février 2015
|
Décembre 2014
|
Septembre 2014
|
Juin
2014
|
Les missions de l'armée française à l'étranger
|
45%
|
53%
|
47%
|
56%
|
Les quartiers défavorisés
|
24%
|
24%
|
26%
|
23%
|
Pour la prévention de la délinquance/ réinsertion
|
23%
|
25%
|
24%
|
28%
|
L’armée et la défense
|
17%
|
32%
|
31%
|
34%
|
Les contrôles aux frontières de la France
|
14%
|
20%
|
20%
|
22%
|
La police et le maintien de l'ordre public
|
4%
|
9%
|
9%
|
10%
|
Le deuxième enjeu associé à l’attentat de Charlie Hebdo est
celui de la sécurité intérieure. Le soutien aux dépenses directes sur la police
suit la même tendance que celle associée aux dépenses militaires. Une réduction
des dépenses pour le maintien de l’ordre publique est souhaitée par environ 10%
de la population jusque décembre 2014. Ce pourcentage chute brusquement à 4%
après les attentats.
En revanche, aucun effet visible n’est associé à la
prévention du crime ou, plus indirectement, aux mesures sociales qui visent à
améliorer les perspectives de vie dans les quartiers les plus défavorisés. Dans
les deux cas, la tendance est assez stable, avec environ un quart de répondant
qui souhaitent une baisse des dépenses dans ces domaines.
Enfin, les troisièmes enjeux susceptibles d’être touché par
les attentats sont celui de l’immigration. S’agissant d’attentats revendiqués
par des organisations étrangères, cela pourrait accroître le sentiment de
devoir davantage contrôler qui entre en France. Ici également, mais de façon
moins marquée, il y a une diminution entre décembre 2014 et février 2015 des
répondants qui souhaitent réduire les dépenses sur le contrôle des frontières,
en passant d’environ 20% avant les attentats à 14% après.
En conclusion, les attentats de janvier n’ont pas produit de
bouleversements majeurs dans les priorités politiques des français. Cependant,
on peut observer une demande accrue de protection immédiate, avec une tendance
à davantage soutenir des dépenses sur la défense et l’armée, sur le contrôle
des frontières et sur la police et le maintien de l'ordre public.
Dans l'ensemble, ce ne sont pas des bonnes nouvelles pour
l'exécutif. La stabilité des préférences en matière de dépenses et
d'orientation des politiques publiques démontre que les attentats de janvier
n'ont pas fondamentalement changé la donne. L'amélioration de l'image de
l'exécutif n'est pas liée à un changement de priorités et risque, de ce fait,
d'être de courte durée. Lors des échéances électorales à venir l’exécutif sera
jugé sur sa performance sur les grands problèmes contemporains : le chômage,
le déficit et la sécurité.
Emiliano Grossman et Raul Magni Berton
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