Alors que le second tour à venir des élections législatives a de forte chance de conduire à un fort renouvellement de l'Assemblée Nationale, on peut se demander si pour les rares députés sortants qui seront réélus, leurs activités au sein du Parlement durant la précédente législature auront peser dans les choix des électeurs ?
En effet, la règle démocratique veut que les représentants, les élus, soient « disciplinés » dans leurs décisions par le fait qu’ils doivent, à intervalle régulier, retourner devant les électeurs pour remettre en jeu le mandat qu’ils ont reçu d’eux. Cette question centrale dans la science politique a fait l’objet de beaucoup d’attention, en particulier parce qu’elle nécessite une bonne information de la part des électeurs et parce que les choix électoraux doivent être inspirés par les éléments d’action publique des sortants.
En effet, la règle démocratique veut que les représentants, les élus, soient « disciplinés » dans leurs décisions par le fait qu’ils doivent, à intervalle régulier, retourner devant les électeurs pour remettre en jeu le mandat qu’ils ont reçu d’eux. Cette question centrale dans la science politique a fait l’objet de beaucoup d’attention, en particulier parce qu’elle nécessite une bonne information de la part des électeurs et parce que les choix électoraux doivent être inspirés par les éléments d’action publique des sortants.
Ce lien hypothétique entre l’action
publique et les choix électoraux dépend, de plus, des modes de scrutin ou
encore des pouvoirs dévolus aux représentants. Or le système législatif
français se caractérise par, au moins, trois choses : un mode de scrutin
uninominal renforçant le lien entre le représentant et sa
circonscription ; un parlement au pouvoir notoirement réduit par rapport à
l’exécutif ; et enfin un calendrier électoral qui depuis 2002 a transformé
l’élection législative en élection de confirmation de l’élection présidentielle
qui la précède. Le premier élément favoriserait alors les mécanismes de
sanction/récompense des électeurs français vis-à-vis de leur député, le
deuxième l’affaiblirait car le travail parlementaire est peu valorisé
globalement dans le système politique français, et enfin, le dernier affaiblirait
également les motivations chez les électeurs de sanction/récompense du travail
des élus car l’enjeu de l’élection serait ailleurs.
La
question est alors de savoir si, compte tenu de ce contexte, les électeurs
français sont sensibles, lors des élections législatives, aux activités qu’ont
pu mener leurs députés.
Notre récent travail indique
clairement que la réponse est oui ! Les électeurs sont sensibles aux
activités de leur député au sein de l’Assemblée Nationale : ils
récompensent les députés travailleurs, en tout cas, certaines de leurs activités.
Pour
parvenir à ce résultat, nous étudions les effets de différents indicateurs de
l’activité des députés en poste à la fin de la 12ème législature sur
leur probabilité d’être candidat à un nouveau mandat, les suffrages qu’ils
récoltent au premier tour et leur probabilité finale d’être réélus lors des
élections législatives de 2007. Les mesures de l’activité parlementaire couvrent
toutes les facettes de l’action d’un député : l’écriture de la loi, les
questions écrites et orales au pouvoir exécutif, la production de rapports
(législatifs ou d’information), la commission parlementaire d’appartenance, et
la gestion des commissions, des groupes de travail ou des groupes d’amitié.
Une
fois pris en compte les autres facteurs
les plus susceptibles d’expliquer ces situations, nous observons les relations
statistiquement significatives détaillées dans le tableau qui suit
Activités
influençant …
|
La probabilité d’être candidat à l’élection
législative
|
Les suffrages obtenus au premier tour de
l’élection législative
|
La probabilité de réélection
|
Représentation
de la circonscription
|
Aucune
relation significative
|
Nb de
questions orales
Nb de
questions écrites (-)
|
Aucune
relation significative
|
Production
de la loi
|
Nb de
lois proposées
Nb de
proposition de lois co-signées
Nb de
rapports législatifs (-)
|
Nb de
lois proposées
Au moins,
une proposition de loi a abouti
|
Nb de
rapports législatifs
Au moins,
une proposition de loi a abouti
|
Contrôle
de l’exécutif
|
Nb de
rapports d’information
|
Nb de
rapports d’information
|
Nb de
rapports d’information
|
Gestion
du travail parlementaire
|
Aucune
relation significative
|
Gestion
de groupes de travail de l’AN (-)
Gestion
de groupes d’amitié
|
Gestion
de groupes d’amitié
|
Les effets sont toujours
positifs sauf ceux suivis par (-) ; ne sont présentées que les relations
statistiquement significatives.
Les
éléments les plus notables sont les suivants. Rédiger des propositions de loi
augmente les suffrages collectés au premier tour par leur auteur et, si au
moins l’une de ses propositions de lois aboutit, le député sortant perçoit plus
de suffrages et sa probabilité de réélection est plus élevée. Le nombre de
questions orales posées - activité qui entraîne un passage télévisé puisque les
questions au gouvernement sont retransmises sur France 3 - a une incidence
positive sur les suffrages obtenus, alors que les questions écrites, plus nombreuses
et plus faciles, ont une influence négative sur les résultats électoraux du
premier tour. De même, la gestion (présidence ou secrétariat) des groupes
d’amitié a un effet positif sur la fortune électorale du candidat sortant.
Le graphique suivant donne l'ampleur des principaux effets sur les suffrages récoltés au premier tour. Ainsi une augmentation de 1% des questions orales induit une augmentation de 0.03% des suffrages du député sortant qui se représente
De la même manière la représentation des principaux effets sur la probabilité de réélection est donnée par le graphique qui suit. Le fait pour un député de parvenir à faire adopter une loi qu'il avait proposé accroît sa probabilité de réélection de 0,003%.
Le graphique suivant donne l'ampleur des principaux effets sur les suffrages récoltés au premier tour. Ainsi une augmentation de 1% des questions orales induit une augmentation de 0.03% des suffrages du député sortant qui se représente
De la même manière la représentation des principaux effets sur la probabilité de réélection est donnée par le graphique qui suit. Le fait pour un député de parvenir à faire adopter une loi qu'il avait proposé accroît sa probabilité de réélection de 0,003%.
Ces
résultats montrent qu’en dépit des caractéristiques du système politique
français, les électeurs dans leur choix de reconduire ou pas leur député
sortant prennent en compte l’intensité de leur activité parlementaire, exerçant
ainsi une pression démocratique. Il reste à savoir si, au côté des électeurs,
les partis eux-mêmes sont également sensibles dans leur soutien ou la promotion
de leurs élus à l’investissement de ces derniers dans le travail parlementaire.