première partie du texte ici
Des effets contextuels peu sensibles aux caractéristiques individuelles
Des effets contextuels peu sensibles aux caractéristiques individuelles
L’idée est de savoir si les effets
de l’environnement, tels que nous venons de les détailler, peuvent varier entre
les individus en fonction de leurs caractéristiques individuelles. Parmi
l’ensemble des caractéristiques que nous avons ainsi analysées, seules deux
sont statistiquement significatives. Les deux concernent l’effet contact,
c’est-à-dire l’influence de la proportion d’étrangers dans le département
d’habitation ; ce qui signifie que l’effet de compétition, lui ne varie
pas avec les traits particuliers des enquêtés. Arrêtons-nous un instant sur ce
dernier point : un taux de chômage élevé produit plus de xénophobie aussi
bien chez les individus instruits ou très qualifiés que chez ceux qui ont un
faible niveau d’instruction et de qualification. Cela suggère que ce ne sont
pas spécifiquement les personnes plus exposées à la concurrence des étrangers
qui vont devenir plus intolérants face à une montée du chômage, mais bien
l’ensemble des citoyens. Par conséquent, c’est la situation de vulnérabilité
collective face à la compétition qui rend les gens plus xénophobes et non,
comme les suggère la deuxième version de l’effet de compétition, la
vulnérabilité individuelle.
L’effet contact est tout d’abord
différent selon le niveau de diplôme de la personne (voir la figure ci-dessous).
Ainsi, nous pouvons constater que les plus diplômés (bac plus deux et au-delà)
ont un niveau de tolérance plus élevé, ils sont beaucoup moins sensibles à
l’effet de contact que les moins diplômés. En comparant l’effet de la
proportion d’étrangers dans leur département sur leur niveau de tolérance, la
droite représentant l’effet de contact pour les diplômés a un point de départ
plus élevé et a une pente bien plus faible que pour la droite concernant les
personnes peu diplômées. Ces calculs prédisent qu’avec un tiers d’étrangers
dans un département, il n’y aurait plus de différence entre le niveau de
tolérance des personnes diplômées et ceux des personnes non diplômées.
Effet de contact selon le niveau de diplôme de
l’enquêté
Nous trouvons également une
différence dans l’effet de contact entre les personnes possédant des
compétences professionnelles valorisées sur le marché de l’emploi et celles ne
possédant pas de compétences particulières (figure ci-dessous).
De nouveau, il y a une différence de niveau puisque les personnes à compétences
professionnelles ont un indice de tolérance plus élevé que les personnes
n’ayant pas de compétences particulières. En revanche, le premier groupe n’est
pas sensible à l’effet de contact, car la pente est quasiment nulle. Encore une
fois, donc, ce sont les personnes qui sont les plus vulnérables sur le marché
du travail qui sont à la fois plus xénophobes lorsque les étrangers sont peu
nombreux, et plus tolérantes lorsqu’il y a une forte proportion d’étrangers.
Effet de contact selon le niveau de compétence de
l’enquêté
Des effets contact et compétition
interactifs
Le dernier élément analysé est la
possibilité d’une interaction entre les effets contact et compétition. Autrement
dit, est-ce que la tolérance des personnes est sensible à la présence
d’immigrés quel que soit le niveau de chômage, ou bien est-ce que ces personnes
réagissent-elles différemment à la mixité selon les difficultés économiques de
leur environnement ? Inversement, est-ce que la tolérance des enquêtés
réagit différemment au taux de chômage départemental selon que les enquêtés se
trouvent dans des départements à faible ou à forte proportion
d’étrangers ?
La réponse est sans ambigüité, les
effets contextuels sont interactifs. Ainsi, l’effet de compétition,
c’est-à-dire l’effet du chômage environnant sur la tolérance, est plus marqué
pour les personnes habitant un département où la population immigrée est plus
importante (voir la figure plus bas).
Ces personnes réagissent plus en termes de tolérance à une dégradation de
l’environnement économique que les personnes habitant des départements où la
proportion d’immigrés est plus faible.
Effet de concurrence sur la tolérance selon le
niveau de la proportion d’étrangers
L’effet de contact, c’est-à-dire
l’incidence de la proportion d’immigrés dans l’environnement d’un individu sur sa
tolérance, varie également en fonction du niveau de chômage (voir ci-dessous).
Ainsi, les individus qui se trouvent dans des départements aux taux de chômage
faibles sont sensibles à la présence d’immigrés : plus ils ont
d’opportunité de contact, plus ils sont tolérants. Mais à l’inverse, les
personnes qui habitent dans des départements plus affectés économiquement ne
réagissent pas à la présence d’immigrés dans leur environnement, ce qui signifie
que le contact avec des immigrés ne les rends ni plus tolérants ni plus
xénophobes.
Effet de contact sur la tolérance selon le niveau
du taux de chômage
Pour conclure, notre travail montre
bien que le niveau de tolérance des français vis-à-vis des immigrés dépend
d’éléments contextuels au travers à la fois d’un effet positif de contact et
d’un effet négatif de compétition. Il montre également que ces effets dépendent
peu des caractéristiques des personnes. En revanche, les deux éléments
interagissent dans l’explication de la tolérance. L’effet de compétition est
plus fort pour les personnes vivant dans des départements où la présence
d’immigration est plus importante. Et l’effet de contact n’induit de la
tolérance que pour les personnes vivant dans des départements où la situation
économique est plus favorable.
Or, ces résultats reposent sur une
enquête menée avant la crise économique qui a débuté fin 2008 et qui s’est
traduite par une augmentation du chômage. D’après nos explications, cette
aggravation devrait se traduire par un regain de l’intolérance et de la
xénophobie, ce qui peut modifier au final les enjeux électoraux à venir ainsi
que les comportements de vote.
Ce texte s'appuie sur un article publié dans la revue française de sociologie.