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mardi 13 juin 2017

La mort à petit feu des élections législatives en France


L'avance importante de « La République en marche » au premier tour des élections et la possibilité de l'avènement de la majorité parlementaire la plus importante de l’histoire de la 5e République n’arrivent pas à éclipser une autre réalité des élections législatives de 2017 : le taux de participation le plus faible jamais enregistré en France pour une élection législative. Avec 50,2 pour cent d’abstention, c'est le taux le plus élevé depuis la première élection législative en France en 1848. 

Une élection législative « subordonnée »
Comme nous l’avons développé ailleurs, la 5ème République en introduisant après 1962 l’élection du Président au suffrage universel direct a créé une hiérarchie entre l’élection présidentielle et l’élection législative. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’élection présidentielle, depuis sa création, a toujours attiré plus d’électeurs que l’élection législative.

Le taux d’abstention moyen, en incluant les deux tours de l’élection présidentielle de 2017 et le premier tour de l’élection législative de 2017, est ainsi de 20 et 19 pour cent pour les premiers et seconds tours des présidentielles et d’environ 30 et 28 pour cent pour les premiers et seconds tours des législatives (partie gauche du graphique ci-dessous).




Mais le vrai problème est ailleurs, comme le montre la partie droite du graphique. L’abstention est surtout élevée quand l’élection législative coïncide (barre de droite) ou, plus précisément, suit une élection présidentielle. Quand les deux ne coïncident pas (barre de gauche), le taux d’abstention est plus faible. La dernière fois que ce fut le cas, en 1997, l’abstention s’est limitée à 32 et 29 pour cent aux premier et second tours. Mais quand elle suit l’élection présidentielle, l’élection législative est transformée en une élection de confirmation de l’élection présidentielle, comme un troisième tour d’une élection déjà décidée. Cela se ressent fortement au niveau du taux d'abstention, comme le montre le graphique, qui atteint plus de 37 pour cent en moyenne.

La réforme constitutionnelle de 2000, en ramenant le mandat présidentiel à 5 ans, couplée à l'inversion du calendrier électoral qui met l’élection présidentielle avant l’élection législative ont inscrit dans la durée cette subordination de l’élection législative. Les résultats du premier tour des élections législatives du 11 juin s’inscrivent ainsi dans la continuité des élections précédentes : 36 et 40 pour cent d’abstentions en 2002, 40 et 40 en 2007 et 43 et 45 en 2012.

Une majorité de plus en plus mal élue
Les mécanismes ne sont pas difficiles à saisir. La logique présidentielle place beaucoup d’espoirs dans le nouveau président élu, dont les électeurs se mobilisent massivement pour les législatives, alors que les électeurs des autres candidats se démobilisent tout aussi massivement. Un effet secondaire de cette abstention croissante est une majorité de plus en plus « mal élue ».  

En général quand on parle d’élections, on raisonne sur le pourcentage des votes exprimés, qui seuls déterminent le nombre de sièges. Le système majoritaire à deux tours en vigueur en France pour les élections législatives depuis 1988 donne une prime importante en siège au parti vainqueur. 

Le graphique ci-dessous présente plusieurs informations uniquement pour le parti arrivé en tête à chaque élection législative depuis 1988. En 1988, le PS obtient 37,2 pour cent des voix exprimées au premier tour et 45 pour cent des sièges. La prime est ainsi de 8 pour cent, la plus faible pour les élections ici considérées. En 2002, l’UMP obtient 33,3 pour cent des voix exprimées au premier tour pour, au final, 358 sièges, c’est-à-dire 62 pour cent des sièges et une prime de 29 pour cent (!). Au vu de ces différences, le système électoral français est – à raison – considéré comme un des plus « disproportionnels » au monde.


Mais regardons une autre mesure très peu commentée, à savoir le pourcentage des inscrits obtenus par le parti arrivé premier (et non le pourcentage des exprimés). Et là, la disproportionnalité devient encore plus importante. Avec le déclin de la participation aux élections législatives, la prime au gagnant s’accroît de manière – presque – exponentielle. Par exemple, en 2012, le PS a obtenu 48,5 pour cent des sièges avec 16,5 pour cent des inscrits.

Pire encore, selon la fourchette basse des estimations pour le second tour du dimanche 18 juin (400 sièges), « La République en marche » est susceptible d’obtenir au moins 69 pour cent des sièges avec 28 pour cent des voix exprimées et seulement 13,5 pour cent des inscrits au premier tour. Quoi qu’il arrive dimanche prochain, la majorité élue sera peut être la plus forte de l’histoire de la 5ème République mais aussi la plus mal élue, quelle que soit la mesure utilisée (votes exprimés ou inscrits).

Au vu de ces quelques chiffres, il paraît urgent d’engager une vraie réflexion sur l’avenir des institutions et, plus particulièrement, la place des élections législatives et de l’Assemblée nationale. Il est très problématique, d’un point de vue démocratique, de voir les élections qui déterminent la majorité gouvernementale dévalorisées à ce point. A terme, c’est la légitimité des gouvernements et donc aussi celle de leurs décisions et de leurs politiques qui risquent d’en pâtir.

Il existe, pourtant, des pistes de réflexion. Pratiquement tous les candidats aux élections présidentielles de 2017, y compris le président élu, se sont déclarés favorables à un système électoral plus proportionnel, même si la formule utilisée,  « introduire une dose de proportionnalité », est extrêmement vague. Ce serait sans doute une piste à explorer plus sérieusement. L’ordre du calendrier électoral en serait une autre. L’important est de lancer un débat, maintenant que la période électorale est – presque – terminée et de faire en sorte que ce débat dépasse les intérêts particuliers de certains partis. Les résultats électoraux décevants pour les partis qui ont historiquement dominé la vie politique de la 5ème République ouvrent à ce titre une opportunité sans doute unique. Espérons que la nouvelle majorité la saisisse. 

Emiliano Grossman



mardi 31 mars 2015

Le vote obligatoire : pourquoi simplement ne plus y penser ?!

Pourquoi le vote obligatoire ?

Le débat sur l’instauration d’un vote obligatoire revient régulièrement sur le devant de la scène politico-institutionnelle, comme lors de ces dernières semaines. Comme justification à cette proposition, on retrouve en fait deux idées clé. La première, c’est que l’abstention n’est pas bonne pour la démocratie. D’une part parce qu’elle créée de facto des inégalités entre groupes sociaux dans une forme de cens caché (Gaxie, 1978), puisque l’abstention reste principalement le choix des populations les moins riches et les moins éduquées. Ces inégalités de participation risquent de se transformer en inégalités en termes de représentation, les intérêts des abstentionnistes étant moins bien pris en compte par le système. D’autre part, l’abstention est mauvaise pour la démocratie parce qu’elle mine la légitimité des élus, des décisions publiques qu’ils prennent, et, encore plus généralement, des institutions. La seconde justification derrière l’instauration d’un vote obligatoire, c’est l’idée que la fluctuation des résultats électoraux s’explique d’abord et avant tout par un « abstentionnisme » différentiel entre les électorats. Beaucoup débattue au moment des élections européennes, cette explication était avancée comme la clé de la défaite socialiste, parce que son électorat ne se serait pas mobilisé en raison de son mécontentement, et du succès du Front National qui aurait eu un électorat particulièrement mobilisé même si la raison de cette mobilisation n’est pas particulièrement claire.

Pourquoi le vote obligatoire ne résout pas ces difficultés ?

Notre argument, ici, est que le vote obligatoire ne résoudra ni l’un ni l’autre de ces problèmes. Du point de vue de la démocratie, instaurer le vote obligatoire revient un peu à casser le thermomètre plutôt qu’à vouloir résoudre le problème. De manière évidente, d’abord, l’obligation peut conduire à une hausse du nombre de bulletins blancs, ceux-ci étant d’ailleurs maintenant comptés à part en France. Il n’est pas certain qu’une baisse de la participation au profit d’une hausse des bulletins blancs soit exactement l’effet recherché. Or, il existe bien une corrélation négative significative entre niveau de participation et nombre de bulletins blancs. Mais de manière encore plus préoccupante, ensuite, l’abstention peut être vue comme un canal d’expression du mécontentement par rapport au fonctionnement du système politique lui-même. L’interdire rendrait alors plus probable le soutien à des candidats faisant de la contestation du fonctionnement du système politique le cœur de leur positionnement électoral. Du point de vue de la légitimité, l’abstention a donc cet intérêt d’être un moyen de signal clair sans conséquence directe pour le système.
Deuxièmement, le vote obligatoire n’est pas non plus forcément bon pour la représentation. La suppression des différentiels d’abstention entre groupes sociaux par l’obligation ne conduit pas forcément à leur meilleure représentation. En effet, le vote obligatoire peut s’accompagner de comportements électoraux incohérents et erratiques de la part des citoyens dans la mesure où l’obligation de vote n’augmente pas mécaniquement l’information et l’intérêt pour l’élection (Selb et Lachat, 2009). Si on force les personnes à exprimer un choix, on ne fait que diminuer le bénéfice de voter, on n’augmente pas le bénéfice associé aux propositions des différents partis et candidats. Ils peuvent alors voter de manière aléatoire ou surtout protestataire. En résulte une plus grande dispersion des suffrages sans pour autant que la volonté générale ne se soit exprimée plus clairement sur la direction qui devait être prises pour les décisions publiques.
De ceci découle aussi le fait que le vote obligatoire ne résoudra pas le problème des défaites électorales pour les partis de gouvernement lors des élections intermédiaires. Prenons pour cas les élections européennes de 2014, où près de 59% des inscrits ne sont pas exprimés si on cumule abstentionnistes et votes blancs et nuls. Pour effectuer la simulation d’un vote obligatoire effectif lors de ce scrutin, nous disposons d’un sondage réalisé juste après l’élection, auprès d’un échantillon de 4 000 personnes représentatives de la population française (Sauger et al. 2015). Nous avons demandé aux enquêtés pour qui ils avaient voté, s’ils l’avaient fait, ou pour qui ils auraient voté s’il ne s’était pas abstenu. Premier résultat, le nombre de bulletins blancs aurait plus que doublé. D’environ 3% parmi ceux qui ont participé à l’élection, l’intention de voter blanc est de plus de 10% parmi les abstentionnistes. Pour la répartition en voix entre partis, les résultats sont présentés dans le tableau suivant.

Tableau : simulation de l’effet du vote obligatoire sur les résultats de l’élection européenne de 2014 en France


Votes exprimés Vote potentiel des abstentionnistes Résultat possible en cas de vote obligatoire
Gauche radicale et Front de gauche
8,2%
12,0%
10,5%
Parti socialiste
14,0%
12,4%
13,0%
Divers gauche
3,2%
2,5%
2,7%
Ecologistes
11,0%
14,2%
12,9%
UMP
20,8%
17,1%
18,6%
MoDem, UDI et divers droites
15,9%
11,4%
13,3%
Front National
24,9%
28,6%
27,1%
Autres
2,0%
1,8%
1,9%
Source : Sauger et al. 2015. Les données sont pondérées pour redressement sociodémographique et politique.

Les résultats de ce tableau sont très explicites. D’une part, les différences entre votants et abstentionnistes et votants sont limitées, mais significatives, conduisant à prédire un écart systématiquement inférieur à 2,5 points des résultats des partis. D’autre part, les abstentionnistes apporteraient plus leur soutien à la gauche radicale, aux écologistes et, surtout, au Front National. On voit clairement ici qu’expliquer les résultats d’élections comme les Européennes que par un différentiel de participation à l’intérieur de l’électorat est loin de décrire effectivement la situation réelle. Et l’instauration d’un vote obligatoire profiterait principalement aux formations politiques les plus critiques du système politique.

Pourquoi le vote obligatoire est compliqué à mettre en œuvre ?

On pourrait en plus ajouter que, loin de résoudre les problèmes auxquels il s’adresse, la mise en œuvre du vote obligatoire poserait nombre de problème dans son application pratique. Par exemple, l’article L9 du Code électoral prévoit d’ores et déjà que l’inscription sur les listes électorales est « obligatoire ». Pour autant, cette obligation n’est assortie ni de vérification systématique ni de sanction. La seule sanction réelle étant de ne pas pouvoir voter. En 2012, l’INSEE évaluait à 93% la proportion des inscrits sur ceux qui pouvaient l’être1. Sans inscription obligatoire, le vote obligatoire semble un pis-aller, dans la mesure où il conduit à augmenter le nombre de non-inscrits. Rendre effective l’inscription obligatoire, soit par un système d’inscription automatique, comme c’est déjà le cas pour les jeunes majeurs soit par la mise en place d’amendes pose en revanche des difficultés techniques importantes et implique un coût significatif qui ne serait probablement pas compensé par le recouvrement des amendes. La difficulté technique tient essentiellement à la mise à jour nécessaire du Fichier général des électeurs tenu par l’INSEE. Or ces mises à jour, même sur une base annuelle, sont extrêmement compliquées dans la mesure il n’existe pas en France d’enregistrement de fait obligatoire de la population générale. Le recensement général de la population, seule base existante équivalente, est incapable de fournir ces informations pour chacun des résidents français.

Une alternative simple

Notre conclusion n’est pas qu’il n’existe aucun dispositif institutionnel contre l’abstention. Au contraire, pour nous, il existe une alternative simple au vote obligatoire, certes moins efficace dans l’effet attendu sur le niveau de participation, mais beaucoup plus positif dans sa dynamique générale. L’une des principales sources d’abstention est l’étalement du calendrier électoral. Pour les élections locales, il nous paraît incompréhensible que les échéances départementales et régionales aient été déconnectées, avec six mois d’écart puisque le scrutin régional est prévu pour décembre 2015. Leur synchronisation aurait eu un effet extrêmement positif sur la participation, avec un surcroît de près 12 points de pourcentage si l’on se reporte aux consultations préécdentes (Fauvelle-Aymar et François, 2015). Avec 11 tours de scrutin potentiels sur un cycle électoral complet, la France est l’un des pays où le vote est le plus émietté. Synchronisons durée des mandats et élections en deux ou trois échéances majeures, et il y a fort à parier qu’une partie substantielle du problème de l’abstention sera résolue.

Abel François et Nicolas Sauger


Références
FAUVELLE-AYMAR, C. et FRANÇOIS, A., 2015, « Mobilization, Cost of Voting and Turnout: A Natural Randomized Experiment with Double Elections », Public Choice, 162: 183-199, 2015
GAXIE, D., 1978, Le cens caché, Paris, Seuil.
SAUGER Nicolas, DEHOUSSE, Renaud, GOUGOU, Florent, 2015 (à paraître), Comparative Electoral Dynamics in the EU in 2014, Cahiers Européens, sous presse.
SELB P., LACHAT R., 2009, « The More, the Better? Counterfactual Evidence on the Effect of Compulsory Voting on the Consistency of Party Choice », European Journal of Political Research, vol. 48, no 5, p. 573-597.


1 Hors cas spécifiques des citoyens d’autres pays de l’Union européenne, dont l’inscription est estimée à environ 20%.

vendredi 20 mars 2015

La fin d’un scrutin de notables locaux ? Les nouvelles élections départementales et le poids des élus sortants

Comme ce fut le cas pour la campagne des élections municipales de 2014, la campagne des élections départementales de 2015 a été dominée par la question des résultats du Front national. Grâce à une couverture sans précédent du territoire français, le parti d’extrême droite devrait assez nettement renforcer ses positions dans les conseils généraux, voire être majoritaire dans certaines assemblées. Plusieurs départements sont ciblés, l’Aisne, le Var et le Vaucluse notamment.
Traditionnellement, l’élection des conseillers généraux n’est pourtant pas la plus favorable aux partis qui ne disposent pas d’un solide réseau d’élus locaux. Les anciennes élections cantonales étaient des élections de notables locaux, marquées par un taux de réélection extrêmement élevé des conseillers généraux sortants. Le nouveau mode de scrutin et le redécoupage de la carte des cantons introduits pour les nouvelles élections départementales pourraient-elles changer la donne et faciliter la montée en puissance du Front national  ?


Les anciennes élections cantonales, des élections de notables

Les dernières élections cantonales ont eu lieu en mars 2011. Elles concernaient l’ensemble des 1938 cantons de la série A et deux cantons de la série B dans lesquels une partielle était organisée. En termes de suffrages exprimés, la droite gouvernementale a été victime d’un puissant « vote sanction », dans la lignée des résultats des municipales de 2008, des européennes de 2009 et des régionales de 2010. Avec seulement 22,5 % des voix au premier tour de scrutin, les candidats de la majorité au pouvoir ont enregistré leur plus mauvais score dans cette série de cantons, reculant de 3,3 points par rapport à leur niveau de 2004, niveau qui constituait déjà un record de faiblesse.
Cependant, ces élections ont été marquées par une remarquable résistance des conseillers généraux sortants de droite qui se représentaient : 85 % d’entre eux ont retrouvé leur siège à l’issue du scrutin (tableau 1)1. Par leurs conditions d’organisation, les élections cantonales étaient des élections taillées sur mesure pour les notables locaux . Le taux de réélection des conseillers généraux sortants était très élevé (87 % tous partis confondus lors des cantonales de 2011), et traduisait l’importance décisive de l’implantation des candidats.


Tableau 1
La réélection des sortants aux élections cantonales de 2011 en France métropolitaine


Sortants candidats
Sortants réélus
Taux de réélection
Gauche
948
841
88,7 %
Front de Gauche
96
87
90,6 %
Parti Socialiste
667
599
89,8 %
Parti Radical de Gauche
49
41
83,7 %
Europe Ecologie Les Verts
10
7
70,0 %
Divers gauche
126
107
84,9 %
Droite
601
512
85,2 %
UMP + Nouveau Centre
410
349
85,1 %
Divers droite
190
162
85,3 %
Extrême droite
1
1
100 %
Autres
24
18
75,0 %
MoDem
9
7
77,8 %
Ecologistes divers
2
1
50,0 %
Divers
13
10
76,9 %
Ensemble
1573
1371
87,2 %
NB : Ces données ont été initialement présentées dans Florent Gougou, Simon Labouret, « The 2011 French Cantonal Elections: The Last Voter Sanction before the Presidential Poll », French Politics, 9 (4), 2011.

En tenant compte des conseillers généraux sortants qui ne se représentaient pas, les chiffres restent tout aussi impressionnants. Lors des élections cantonales de 2011, le conseiller général sortant a été réélu dans 70,7 % des cantons (1371/1940) et battu dans seulement 10,4 % des cantons (202/1940), les sortants qui avaient décidé de passer la main représentant 18,9 % des cas (367/1940).


Les élections départementales, des élections d’un nouveau type

Initialement condamnées par la reforme de l’organisation territoriale de la France et la suppression programmée des conseils généraux, les élections cantonales ont finalement été remplacées par des élections départementales. Avec au passage un nouveau mode de scrutin, un nouveau découpage de la carte des cantons, et un nouveau calendrier électoral.
Ces trois éléments sont de nature à modifier le poids des conseillers généraux sortants, et à altérer la capacité de résistance des partis établis. Le nouveau mode de scrutin binominal paritaire, associé à la division de moitié du nombre de cantons, implique une diminution très importante du nombre d’élus sortants de sexe masculin qui vont se représenter. Quant à la réforme du calendrier électoral, avec le renouvellement complet des conseils généraux en lieu et place d’un renouvellement par moitié tous les 3 ans, elle est susceptible d’accroître la nationalisation du scrutin et d’affaiblir les facteurs locaux .


Les conseillers généraux sortants aux élections départementales de 2015

Le premier tour des élections départementales concerne les 2054 cantons de France métropolitaine, de Guadeloupe, de La Réunion et de Mayotte. Il met aux prises 9097 binômes, soit 18194 candidats. Parmi ces 18194 candidats, on ne dénombre « que » 2189 sortants : 1229 de gauche, 944 de droite, et 16 inclassables (sans étiquette, régionalistes, écologistes divers).
Compte tenu du redécoupage des cantons, certains cantons voient plusieurs sortants s’affronter. Au final, seuls 1668 cantons auront au moins un binôme de candidats avec un conseiller général sortant, mais la proportion est similaire à celle mesurée pour les élections cantonales de 2011 : dans 81 % des compétitions, un sortant sera en lice. De ce point de vue, les élections départementales ne semblent pas fondamentalement différentes des élections cantonales. Cependant, cette stabilité cache une évolution considérable dans la proportion de femmes parmi les sortants qui se représentent, qui progresse de manière spectaculaire entre les cantonales de 2011 et les départementales de 2015 : en 2011, sur les 1573 sortants qui se représentaient, on ne dénombrait que 198 femmes, soit 12,6 % du nombre total de sortants. En 2015, cette proportion monte à 21,7% (474 femmes sur les 2189 élus sortants qui se représentent). En 2011, le taux de réélection des conseillères sortantes a été de 83,8 % (166/198), alors qu’il s’est élevé à 87,6 % pour les conseillers sortants (1205/1375).


Perspectives

La capacité des conseillères et des conseillers généraux sortants à se faire réélire lors des prochaines élections départementales sera un élément crucial dans l’analyse du scrutin. Si les départementales ressemblent aux cantonales et sont aussi favorables aux élus sortants, elles constitueront un obstacle à la percée du Front national. Si elles s’imposent en revanche comme un scrutin d’un type nouveau, plus exposé aux forces nationales et moins sensible aux facteurs locaux, elles pourraient accélérer les recompositions à l’œuvre dans le paysage politique français.


Florent Gougou




1 On peut penser qu’une partie des sièges les moins sûrs a basculé lors des élections cantonales de 2004, déjà très défavorables à la droite modérée. Cependant, le recul significatif des candidats de l’UMP et de ses alliés au premier tour en termes de suffrages exprimés aurait pu se traduire par de nouvelles pertes importantes en sièges au second tour, ce qui n’a pas été le cas.