Les élections cantonales sont mortes, vive les
départementales ! Tel pourrait être le slogan désignant les échéances électorales
des deux dimanches prochains. En effet, les 22 et 29 mars, ce ne sont plus des
conseillers généraux qu’éliront les Français mais des conseillers départementaux.
Au-delà de cette nouvelle appellation, plusieurs évolutions sont mises en place
: nouveau mode de scrutin, mise en place de binômes, redécoupage des cantons. Dans
ce contexte, comment les partis politiques s’organisent-ils pour élire leurs 4108
nouveaux conseillers départementaux.
Une gauche en « désordre » de
bataille
Aujourd’hui,
la gauche détient 61 départements sur 101. Il est probable que demain, elle en
aura perdu. La vraie question est combien et lesquels ?
En
effet, la dynamique électorale enclenchée aux élections municipales de 2014 a
toutes les chances de se poursuivre. Grâce à elles, la droite a recouvré une
assise locale importante et reconquis le Sénat. Le risque de reculer pour la
gauche est d’autant plus important que les candidats qui s’en réclament se
présentent fortement divisés.
Seuls
433 cantons sur 2054 verront la gauche rassembler autour d’un seul binôme
(contre 1285 pour la droite). En moyenne, la gauche présentera deux binômes
dans un canton sur deux et trois binômes dans un canton sur cinq. Avec un mode
de scrutin nécessitant au moins 12,5 % des suffrages des inscrits pour se maintenir au
second tour, combiné à une abstention frôlant les 60%, les partis traditionnels
sont conduits à privilégier l’union pour éviter de profondes désillusions. Une
manière de mesurer l’offre électorale consiste à calculer un taux de fragmentation
des binômes de gauche et droite au niveau de chaque canton et d’en déduire un
niveau moyen à l’échelle du département. La carte ci-dessous illustre une forte
fragmentation de la gauche, en particulier dans les départements où les
présidents de conseils généraux sont sortants. Concrètement, les binômes
d’union de la gauche ne concernent en moyenne que 35% des cantons contre 45%
pour les listes d’union de la droite. En revanche, le Parti socialiste parvient
à présenter 998 binômes et l’UMP 420 binômes. Cette situation illustre les
difficultés pour la gauche d’organiser l’union en son sein. Europe Ecologie les
Verts présentera 249 binômes (sur 387 au total) là où des candidatures
socialistes sont également en lice. Enfin, le Front de gauche a également
choisi une stratégie d’autonomie vis-à-vis des listes socialistes avec près
d’un binôme Front de gauche sur deux opposé à une liste socialiste, et un
binôme FG sur quatre face à un binôme d’union de la gauche.
Et à droite ?
Cette
fragmentation est-elle seulement l’apanage de la gauche ? La droite est
également touchée par la désunion mais à un niveau beaucoup plus faible et
surtout dans une configuration singulière liée principalement aux binômes divers droite (DVD). En effet, l’UDI et l’Union de la droite (UD) sont concurrents dans
seulement 10 cantons, et l’UMP sera opposée à l’UDI dans 53 cantons. La carte
ci-dessous présente la distribution géographique de la fragmentation à droite.
La
droite partage avec la gauche un niveau de fragmentation plus élevé dans les 40
départements qu’elle gouverne aujourd’hui. Les départements du Haut-Rhin et du
Bas-Rhin incarnent cette forte concurrence partisane. Dans d’autres
départements tels les Pyrénées-Atlantiques ou les Bouches du Rhône, des binômes
concurrents DVD seront opposés aux candidatures d’union de la droite ou de
l’UMP.
Un Front National faiseur de majorité
Autre
sujet d’intérêt – voire le plus commenté – est le danger que représente le Front national pour les partis traditionnels. Peut-il jouer les trouble-fêtes et notamment
dans le Vaucluse, le Var, les Bouches-du-Rhône, le Nord, le Pas-de-Calais, l’Aisne
et la Seine-et-Marne ? À l’issue du premier tour, se trouvera-t-on face à des
duels gauche/droite ou bien une majorité de duels gauche/FN ou droite/FN, sans
oublier les cas de triangulaires (en cas de forte abstention) ? Des duels
dont on sait qu’ils peuvent engendrer des divisions meurtrières au sein et
entre gauche et droite quant à la stratégie à mettre en place pour remporter le
second tour ?
Si
le Front national est présent dans 93% des cantons (contre 71% en mars 2011), la
gauche ne présente aucune liste d’union dans les 145 cantons où le parti
frontiste est absent. A l’inverse, la droite présente un binôme d’union dans 33
cantons et des listes UMP dans 38 cantons.
Conformément à la
stratégie de Marine Le Pen d’imposer le tripartisme, l'enjeu pour le Front
National, après les européennes, est de démontrer sa capacité à peser dans un
scrutin majoritaire à deux tours, qui jusqu’à présent constituait un obstacle
institutionnel de la Ve République à la tripartition de l’espace politique
national. Au fond, si le Front national est qualifié au second dans une forte
proportion de cantons, c’est le principe même d’alliances électorales qui sera
enterré en vue des prochaines échéances.
Les
élections départementales de 2015 révèlent un niveau soutenu de désunion à
gauche. Est-ce un enjeu ? Incontestablement, la forte nationalisation de
ce scrutin obligera au soir du premier tour de faire le bilan du rapport de
force gauche/droite. Avec une forte fragmentation des candidatures de gauche, la
présence au second tour d’un binôme de gauche est fortement menacée. La
dispersion des voix de gauche pour ces élections départementales ravive le
spectre du 21 avril 2002 avec une disqualification du candidat socialiste
concurrencé par des alliés devenus le temps d’une élection des concurrents
redoutables.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire