Si l’on distingue les ministres (ministres d’État et ministres) des sous-ministres (ministres délégués, ministres auprès, secrétaires d’État et hauts commissaires), il est possible de scruter leur répartition au sein des gouvernements. La répartition dans le gouvernement de Manuel Valls est très équilibrée, les ministres représentant 53% des membres à un niveau équivalent des gouvernements de Jean-Marc Ayrault, Lionel Jospin et Pierre Mauroy. Si la conséquence est que le nouveau gouvernement se situe dans la moyenne, il se distingue des autres gouvernements de François Mitterrand, qui comportaient une proportion plus grande de sous-ministres.
Regardons ensuite le ratio du nombre de ministres du principal parti de gouvernements (celui du Premier ministre) rapporté au nombre de ministres issus des partis soutiens de la coalition au pouvoir. Pour seulement deux cas dans l'histoire de la 5e République, le parti du Premier ministre ne détenait pas la majorité des portefeuilles (rapport inférieur à 1). Le premier est celui du gouvernement de Jacques Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing (1974-1976). Étant donné l'appartenance à différents partis du Président et du Premier ministre, cela ne semble guère étonnant. Plus surprenant, sous le gouvernement d'Edouard Balladur (1993-1995), les ministres issus de l'UDF et du Parti Républicain avaient une légère majorité de portefeuilles par rapport à leur partenaire du RPR. Dans tous les autres cas, le parti du Premier Ministre détient la majorité des ministères.
Dans le gouvernement de Manuel Valls, le PS est très largement majoritaire avec un rapport de 6,5 ministres PS pour 1 ministre non PS, le PRG en l’occurrence. Cela le place en-dessous de la moyenne, mais aussi en-dessous du gouvernement Ayrault ; et ce, malgré le départ des ministres EELV. Les deux se situent très loin des principaux gouvernements quasiment mono-partisans du quinquennat de Jacques Chirac, mais aussi du gouvernement Fillon 3. Pour rappel, ce gouvernement sonnait le glas de la volonté d' « ouverture » qui avait marqué les gouvernements Fillon 1 et 2, face à l'impopularité croissante de l'exécutif. Le PS, au sein du gouvernement de Manuel Valls, est moins hégémonique que dans tous les gouvernements de François Mitterrand, en particulier durant son second septennat. À deux exceptions près : les deux derniers gouvernements de Pierre Mauroy, qui comportaient une part importante de communistes, et dont le gouvernement de Manuel Valls est assez proche (rapport de 6 contre 6.5), et le gouvernement de Lionel Jospin qui rassemblait plus de partis (communistes, PS, PRG, écologistes). Le départ des écologistes du gouvernement ne s’est donc pas traduit par un renforcement de la domination du parti leader, le PS, du moins sur le plan comptable.
En ce qui concerne la proportion de députés, c’est-à-dire de membre élus dans la législature en cours, le gouvernement de Manuel Valls, encore une fois, se situe très près de la moyenne : 67% des membres sont issus de l’Assemblée nationale contre 66% en moyenne. Dit autrement et de manière traditionnelle, tant à gauche qu’à droite, le gouvernement de Manuel Valls s’appuie largement sur les députés de sa majorité afin d’obtenir une assise parlementaire (il est à noter qu’un certain nombres des ministres proviennent du Sénat). Dernière caractéristique explorée, l'expérience préalable des ministres, mesurée par le nombre de postes ministériels occupés par chaque ministre antérieurement à sa nomination. Là encore, le gouvernement de Manuel Valls se situe dans la moyenne. Comme pour la part des députés, cette mesure peut servir d'indicateur de l'indépendance des ministres vis-à-vis du chef de l'exécutif, que ce soit le Premier ministre ou le Président. En effet, un ministre expérimenté aura ses propres appuis politiques, alors qu'un ministre « d'ouverture » sera entièrement dépendant du bon vouloir du chef de l'exécutif pour rester en poste. On peut également supposer que cette expérience est profitable quant à la gestion publique et à la coordination interministérielle.
En conclusion, sur les cinq caractéristiques que nous avons détaillées, le gouvernement de Manuel Valls se situe largement dans la moyenne des précédents gouvernements, même si du fait de sa taille il se différencie plutôt des dimensions habituelles des gouvernements de gauche. Il ne s’agit donc en aucun cas d’un gouvernement de rupture quant à ses propriétés. Pour autant, ces informations ne nous permettent pas d’envisager la fortune future de ce gouvernement en ce qui concerne sa popularité future, sa capacité à obtenir un soutien politique à l’Assemblée Nationale, ou sa durée. En effet, le format du gouvernement et les choix de l'exécutif concernant les ministres n'ont quasiment aucune influence sur ces éléments de résultat.
Abel François et Emiliano Grossman
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