mardi 25 mars 2014

Municipales 2014 : Scores estimés et observés du Front national

Dans les deux notes publiées les semaines passées, nous avons présenté un modèle pour estimer les scores du Front National (FN) au premier tour des élections municipales, à partir des résultats électoraux de ce parti, entre 1998 et 2012, dans 56 villes où le Front National et/ou des dissidents FN avaient présenté des listes aux élections municipales en 1995, 2001 et 2008. A l’issue de ce premier tour, il est possible d’évaluer la qualité de nos estimations au regard des résultats électoraux effectifs du FN à la fois au niveau agrégé et au niveau de chaque ville.

Dans les villes de cet échantillon où le FN a présenté des listes aux élections municipales de 2014, notre modèle estimait le score moyen du FN au premier tour de ces scrutins à 22,24%[i] alors que celui-ci était 17,55% en 1995, 14,00% en 2001 et 8,19% en 2008. Par conséquent, nous avions estimé un score dépassant le plus haut historique de 1995. Le score moyen observé du FN est de 19,68 % à l’issue du premier tour. Notre estimation du score moyen était donc supérieure de 2,56 points au score moyen réel du FN dans la cinquantaine de communes de notre échantillon. Notre modèle avait comme objectif principal d’expliquer les déterminants des variations systématiques du score du FN. De ce point de vue, il a rempli sa fonction de manière satisfaisante puisqu’il a été capable de saisir l’évolution des résultats électoraux du FN. Les comportements électoraux au premier tour des élections municipales en 2014 ont suivi les mêmes logiques que celles, estimées par notre modèle, ayant généré les scores du FN entre 1998 et 2012.

Tableau 1. Scores estimés et observés du FN aux élections municipales de 2014
Villes
Estimation 2014
Résultat 2014
Écart
Nice
27,24
15,6
-11,64
Vernon
22,52
10,89
-11,63
Vénissieux*
21,51
11,49
-10,02
Bordeaux
15,78
6,06
-9,72
Enghien-Les-Bains
18,05
8,75
-9,3
Paris
15,56
6,26
-9,3
Les Sables D'olonne
17,91
8,98
-8,93
Harnes
28,98
20,06
-8,92
Auxerre
18,63
9,77
-8,86
Alès
20,36
11,99
-8,37
Saint-Cloud
16,82
8,49
-8,33
Marcq-En-Baroeul
18,53
11,21
-7,32
Strasbourg
18,19
10,94
-7,25
Caudry
21,23
14,22
-7,01
La Rochelle
15,61
8,7
-6,91
Château-Thierry
21,42
15,66
-5,76
Mulhouse
27,36
21,85
-5,51
Vitrolles
29,64
24,44
-5,2
Troyes
20,98
15,84
-5,14
Blois
20,71
15,73
-4,98
Beauvais
20,65
15,98
-4,67
Evreux
19,32
14,84
-4,48
Roubaix
23,38
19,31
-4,07
Lyon
17,77
13,78
-3,99
Sens
19,77
15,81
-3,96
Cagnes-Sur-Mer
28,3
24,35
-3,95
Montpellier
17,59
13,81
-3,78
Aubagne
23,94
20,63
-3,31
Marseille
26,1
23,16
-2,94
Toulon
23,4
20,48
-2,92
Manosque
22,55
20,19
-2,36
Lille
19,37
17,15
-2,22
Dreux
15,27
13,45
-1,82
Lorient
16,36
14,78
-1,58
Mantes La Ville
22,27
21,66
-0,61
Nîmes
22,15
21,74
-0,41
Soissons
22,53
22,14
-0,39
Dunkerque
22,81
22,59
-0,22
Châlons-En-Ch.
20,12
20,5
0,38
Bagnols-Sur-Ceze
23,42
24,43
1,01
Lunel
23,28
24,53
1,25
La Seyne-Sur-Mer
24,75
26,27
1,52
Noyon
26,73
28,32
1,59
Carpentras
31,65
34,38
2,73
Cluses
28,64
31,41
2,77
Avignon
25,52
29,63
4,11
Six-Fours-les-Plages
25,18
29,51
4,33
Vauvert
25,02
32,61
7,59
Perpignan
22,72
34,19
11,47
Hénin-Beaumont
34,97
50,26
15,29
Béziers*
21,7
44,88
23,18
* Liste non soutenue par le FN composée d’anciens membres du FN
** Liste soutenue par le Front National

Même si le modèle n’avait pas vocation à capturer les effets locaux, il est cependant possible et souhaitable d’apprécier la qualité des estimations de notre modèle à un niveau désagrégé pour en appréhender les forces et faiblesses. Le tableau 1 présente les estimations, les résultats réels et l’écart entre résultat et estimation pour chacune des villes de notre échantillon où des listes FN étaient en lice. Les écarts s’échelonnent entre -11,64 points pour Nice et +23,18 pour Béziers. La moyenne de la valeur absolue des écarts est 5,6 points. 31 villes présentent des écarts entre scores estimés et observés compris entre plus ou moins 5,6 points. La qualité de l’estimation varie donc grandement entre les villes. Si les estimations pour Dunkerque, Mantes-la-Ville, Soissons, Nîmes, Châlons-En-Champagne diffèrent de moins d’un point des résultats, elles divergent nettement pour Paris, Bordeaux, Enghien-les-Bains, ou Les Sables d’Olonne. Autrement dit, le modèle s’avère, comme attendu, plus fiable pour estimer une tendance agrégée qu’un score par ville. Néanmoins, il est intéressant de tenter d’identifier les conditions selon lesquelles la qualité des estimations du modèle pour les différentes villes varie.

Le graphique 1 présente la valeur de l’écart entre score observé et estimé en fonction du résultat réel du FN au premier tour des élections municipales dans les villes de notre échantillon. L’importance de l’erreur d’estimation est proportionnelle aux scores du FN. La qualité de l’estimation du modèle se dégrade à la fois dans les villes où le FN fait des scores très inférieurs à la moyenne de notre échantillon et dans celles où ceux-ci sont très supérieurs à la moyenne de l’échantillon (ce sont des cas types d’outliers).

Figure 1 : Niveau de l’erreur d’estimation en fonction du score du FN




Ainsi, dans les 12 villes où le FN rassemble moins de 13% des suffrages exprimées, la surestimation des scores du FN est en moyenne de 8,8 points. A l’inverse, lorsque le score du FN est supérieur à 30% (6 communes), la sous-estimation des scores du FN atteint 10,5 points. Pour les 33 communes où le score du FN est dans l’intervalle [13 – 30 %], la moyenne de la valeur absolue de l’erreur d’estimation n’est que de 3,5 points. Par conséquent, le modèle est plus performant dans les 2/3 des villes de notre échantillon où les scores du FN ne s’écartent pas trop par rapport à la moyenne de notre échantillon. Encore une fois, nous avons la confirmation que la spécification de notre modèle est plus performante pour capturer une tendance globale, atténuant les sur- et sous-estimations observées par ville.

Finalement, l’abstention au 1er tour s’est révélée déterminante dans l’évolution du rapport de force droite/gauche. Nous avons cherché à vérifier si la percée historique du Front National pour une élection municipale était corrélée à une démobilisation de l’électorat. En représentant graphiquement cette corrélation (Rho de Spearman de 0,39), qui ne vaut pas causalité, on observe nettement deux profils de villes : les villes où le vote frontiste s’est accompagné d’une forte participation (Bagnols sur Cèze, Châlons-en-Champagne, Hénin-Beaumont, Carpentras et Perpignan) et celles où le vote FN s’est installé dans un contexte de démobilisation (Manosque, Blois, Sens, Lunel). Parmi les villes où notre modèle sous-estime le score réel du FN, la plupart d’entre elles sont caractérisées par un taux de participation en net progrès.


Figure 2 : Progression du vote FN et participation électorale


Cette évaluation des performances de notre modèle d’estimation des résultats du FN constitue une première étape de travail en vue de l’améliorer pour l’appliquer aux élections européennes de mai 2014.


Sylvain Brouard et Martial Foucault




[i] Pour les 56 villes de notre échantillon, l’estimation était de 22,8 %. Cependant, comme 5 villes n’avaient pas de listes FN, nous ne présentons que les résultats pour les 51 villes restantes.

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