Cette
note met en perspective la performance du Front National (FN) lors du
premier tour des élections municipales de 2014 en France
métropolitaine, en comparant l’implantation, les résultats et la
capacité de maintien du parti d’extrême droite avec les élections
municipales depuis 1989. Malgré la conquête de la commune
d’Hénin-Beaumont et les scores très élevés enregistrés dans le
Sud-Est notamment, les élections municipales de 2014 ne marquent pas
une poussée historique du FN. En revanche, elles confirment son
retour à ses plus hauts niveaux, prolongeant le mouvement enclenché
depuis les élections régionales de 2010.
Une
couverture du territoire qui renoue avec les scrutins de 1989 et 1995
Marine
Le Pen avait fixé comme objectif d’étape au développement de son
parti de présenter des listes dans un nombre élevé de communes. De
ce point de vue, les élections municipales de 2014 sont une
réussite. Sur les 9 663 communes de plus de 1 000 habitants, et
d’après les données transmises par le Ministère de l’Intérieur1,
le FN a présenté 583 listes, un record pour le parti : ce
nombre dépasse d’une centaine d’unités le précédent record de
490 listes FN présentes au premier tour des élections municipales
de 1995 (à l’époque sur les villes de plus de 3 500
habitants).
Si
on s’intéresse à la présence du parti dans les villes de plus de
30 000 habitants, celles dont la vie politique est la plus connectée
au système de partis national, l’image est différente. Le FN a
déposé des listes dans 160 communes sur 242, comme l’indique le
tableau 1. C’est certes un saut significatif par rapport au premier
tour des élections municipales en 2008, où le parti n’avait
présenté des listes que dans 43 communes sur 235, mais cela n’égale
pas la couverture affichée lors du premier tour des municipales de
1995, où il était présent dans plus de 180 communes (sur 225). En
revanche, comme lors des élections de 1995, le FN est présent dans
la quasi-totalité des villes de plus de 100 000 habitants :
seules Montreuil, Saint-Denis (Seine Saint-Denis) et Argenteuil (Val
d’Oise) manquent à l’appel. La couverture territoriale du FN
lors de ces élections municipales est donc particulièrement élevée.
Dans ce contexte, le fait qu’il obtienne ses meilleurs scores
moyens, dans les communes dans lesquelles il est présent, est le
signe d’une forte vitalité électorale.
Tableau
1
Le
score du FN au
premier tour des municipales dans les villes où il présente une
liste
Villes
de plus de 30.000 habitants
|
Villes
de plus de 100.000 habitants
|
|||||
Ensemble
|
Présence
|
Score
(%)
|
Ensemble
|
Présence
|
Score
(%)
|
|
M1989
|
220
|
147
|
10,0
|
36
|
33
|
9,8
|
M1995
|
225
|
184
|
12,8
|
35
|
35
|
12,0
|
M2001
|
226
|
89
|
6,9
|
35
|
27
|
5,9
|
M2008
|
235
|
43
|
5,4
|
35
|
14
|
4,9
|
M2014
|
242
|
160
|
13,6
|
39
|
36
|
12,3
|
NB : La
colonne « présence » indique le nombre de villes dans
lesquelles le FN est représenté. Paris, Lyon et Marseille sont
traitées commune une unité, même si le FN y présente
systématiquement 20, 9 et 8 listes (soit autant que
d’arrondissements ou secteurs).
Des
scores qui égalent le record de 1995
Avec
un score moyen de 14,6 % des suffrages exprimés pour les 583 listes
présentes dans les communes de plus de 1 000 habitants, le Front
National a obtenu un score significatif, qui a focalisé l’attention
de la plupart des observateurs au soir du premier tour.
Il
n’est pas possible de comparer strictement ce score national avec
les élections précédentes en raison de la modification de la loi
électorale pour les villes de 1 000 à 3 500 habitants. En revanche,
il est possible de le faire pour les villes de plus de 30 000
habitants. Et dans ces villes, le FN se redresse très nettement par
rapport aux élections de 2001 et 2008, retrouvant son niveau du
premier tour des élections municipales de 1995, comme l’indique le
tableau 1 : les listes du FN recueillent en moyenne 13,6 %
des exprimés, soit une très légère progression par rapport aux
12,8% de 1995. Sur cette base, difficile de parler d’une percée
historique, ou d’un « FN triomphal », comme l’affirmait
la une du Monde
du 25 mars 2014. La dynamique est d’ailleurs moins forte si l’on
se concentre uniquement sur les plus grandes villes, les villes de
plus de 100 000 habitants, avec un score moyen de 12,3% (contre 12%
en 1995). Il n’en reste pas moins que le FN obtient des résultats
moyens nettement supérieurs à ceux de 2001 et 2008, confirmant au
passage que sa capacité à présenter des listes constitue un
indicateur de sa vitalité électorale.
Au
final, 138 listes présentées par le FN dans les villes de plus de
30 000 habitants (ou dans leurs arrondissements/secteurs) ont
franchi la barre des 10% nécessaires pour se maintenir au second
tour. Mais dans 32 d’entre elles, le scrutin s’est joué dès le
premier tour2,
de sorte que 106 listes FN pourront effectivement se maintenir au
second tour.
Une
capacité de se maintenir retrouvée
Cette
capacité de se maintenir, qu’il y ait ou pas un second tour, peut
être comparée avec les élections précédentes. En 2014, le FN
dépasse donc la barre des 10% des suffrages exprimés dans 138
communes (ou arrondissements/secteurs de Paris, Lyon et Marseille) de
plus de 30 000 habitants sur les 194 dans lesquelles il était
présent, soit dans 71,1% des cas. Ces chiffres sont légèrement
plus hauts que ceux de 1995, comme l’indique le tableau 2, mais il
n’y a rien de fulgurant : à l’époque, le parti dépassait
10% des suffrages dans 142 communes de plus de 30 000 habitants dans
lesquelles il avait présenté des listes, soit 65% des cas. Dans les
villes de plus de 100 000 habitants, le FN ne dépasse le seuil de
10% des suffrages que dans 55,7% des cas, ce qui représente cette
fois un recul par rapport à son record de 1995. Ce résultat
confirme que le FN ne se redresse pas autant dans les villes de plus
de 100 000 habitants que dans l’ensemble des villes de plus de
30 000 habitants.
Tableau
2
La
capacité du FN à se maintenir au second tour des élections
municipales
Villes
de plus de 30.000 habitants
|
Villes
de plus de 100.000 habitants
|
|||
Score
> 10 %
|
Pourcentage
|
Score
> 10 %
|
Pourcentage
|
|
M1989
|
81/181
|
44,8
|
27/67
|
40,3
|
M1995
|
142/218
|
65,1
|
41/69
|
59,4
|
M2001
|
28/123
|
22,8
|
4/61
|
6,6
|
M2008
|
10/77
|
13,0
|
4/48
|
8,3
|
M2014
|
138/194
|
71,1
|
39/70
|
55,7
|
NB : Chaque
arrondissement ou secteur de Paris (20), Lyon (9) et Marseille (8)
est traité comme une seule unité.
Bilan
avant le second tour
Au
final, le premier tour des élections municipales de 2014 confirme le
redressement du FN entamé au cours du précédent quinquennat, suite
à son effondrement lors des élections de 2007. Tout comme le
premier tour de l’élection présidentielle de 2012 a marqué son
retour à son sommet historique, obtenu en 2002, le premier tour des
municipales marque son retour à son plus haut niveau, obtenu en
1995. Il reste à analyser plus en détail les transformations de sa
géographie électorale, avec la confirmation de son ancrage dans le
Sud-Est du pays, son renforcement dans le Nord-Est, et son
redressement limité dans les grandes métropoles.
___________________________
1 Le
décompte des listes FN pour les élections de 2014 se fait sur la
foi des étiquettes du Ministère de l’Intérieur. Cela explique
l’absence de quelques listes FN, étiquetées différemment par
les services du Ministère et permet de comprendre pourquoi le
nombre de 583 est légèrement différent de celui annoncé par
Marine Le Pen (597).
2 La
liste de ces villes est la suivante : Agen, Alès, Antibes,
Arras, Bourg-en-Bresse, Cagnes-sur-Mer, Caluire-et-Cuire, Cambrai,
Chalon-sur-Saône, Compiègne, Epinal, Haguenau, Le Cannet, Le
Havre, Les Mureaux, Liévin, Lyon 6, Marcq-en-Barœul, Marignane,
Marseille 4, Meaux, Meyzieu, Montélimar, Orléans,
Sainte-Geneviève-des-Bois, Saint-Quentin, Saint-Raphaël, Suresnes,
Toulon, Troyes, Versailles, Wattrelos.
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