Après d'âpres débats au cours des
mois qui ont précédé l'adoption de la
nouvelle loi sur le cumul des mandats le 22 janvier dernier, le
débat a rapidement disparu des médias. Le
report de la mise en œuvre de la loi en 2017 garantit, pourtant,
que la question du cumul restera d'actualité. Ainsi, le PS, malgré des annonces
contraires, n'a pas obligé ses parlementaires de choisir. Certains,
comme les deux principales candidates à la mairie de Paris, ont
annoncé leur intention de ne pas cumuler en cas de victoire. Mais la
grande majorité – à droite et à gauche – vont continuer à
cumuler.
Une belle
infographie du journaliste Maxime Vaudano permet d'y voir plus clair. Elle a été réalisée à partir d'un
épluchage de la presse quotidienne concernant les intentions
exprimées des candidats concernant le cumul de mandats actuel et/ou futur. La méthode a nécessairement des limites,
mais les données, que nous réutilisons ici, sont tout de même
instructives.
Le graphique ci-dessous présente la
part des députés et de sénateurs par région qui vont, selon les
informations disponibles à ce jour, cumuler. Ainsi, par exemple, dans le Nord-Pas-de-Calais, environ 50 pour cent des députés vont cumuler, contre 28 pour cent des sénateurs de la région. De manière générale, les députés semblent cumuler plus que les sénateurs selon ces information, ce qui semble contre-intuitif et ce qui reste à vérifier. En nous concentrant sur les seuls députés, le Limousin est sans conteste le leader parmi les députés cumulards avec 5 cumulards sur 6 députés. L’île de France, principal pourvoyeur de députés (99), compte tout de même 45 cumulards identifiés. La Haute-Normandie et Poitou-Charentes font figure de bons élèves, avec des taux de cumul faibles pour les députés et les sénateurs. Encore une fois, cela peut être au moins partiellement dû au caractère incomplet de la base de données.
Quels sont les déterminants structurels du cumul des mandats? Nous explorons ici deux explications possibles : le nombre de députés par région et la richesse de la région. On pourrait s'attendre à ce que, faute de personnel politique dans les régions peu peuplées, les responsables se voient obligés d'accepter davantage de responsabilités. A l’opposé, on peut imaginer que même si les députés veulent cumuler, la compétition est plus dure dans les régions plus peuplées - où il y a plus de députés - et qu'il est alors plus difficile de se battre simultanément pour plusieurs mandats.
En effet, les régions sont très différemment peuplées, ce qui se ressent au niveau du nombre des députés par région. Entre l'Ile de France avec ses 99 députés (près de 12 Mio d'habitants) et le Limousin avec ses 6 députés (un peu plus de 700000 habitants), la comparaison paraît difficile. Nous prenons en compte le nombre de députés, qui incarne le nombre de "concurrents" pour le cumul.
La relation entre la taille de la région (ou le nombre de députés par région) ne semble pas être un déterminant très fort, bien qu'il existe clairement un relation, illustrée par la courbe de tendance (verte) et la moyenne mobile (rouge). Les "boîtes à moustaches" indiquent la distribution des observations. Ainsi 25 pour cent des régions ont entre 15 et 18 députés.En effet, les régions sont très différemment peuplées, ce qui se ressent au niveau du nombre des députés par région. Entre l'Ile de France avec ses 99 députés (près de 12 Mio d'habitants) et le Limousin avec ses 6 députés (un peu plus de 700000 habitants), la comparaison paraît difficile. Nous prenons en compte le nombre de députés, qui incarne le nombre de "concurrents" pour le cumul.
Les résultats confirment les attentes : le Limousin, leader en matière de cumul des députés, est aussi la plus petite région en termes de population (en dehors des Dom-Tom) et, par conséquent, de nombre de députés. Cette relation semble bien fonctionner sur l'ensemble des régions ; du Limousin, jusqu'aux Midi-Pyrénées, en passant par la Picardie et le Centre : l'augmentation du nombre de députés va de pair avec moins de cumul.
Cependant, cette relation est loin d’être systématique. D'abord certains cumulent bien moins que la moyenne, comme l'Alsace ou le Centre. D'autres, comme la région PACA figurent parmi les plus cumulards, alors qu'il s'agit d'une des régions les plus peuplées. Il faut noter que nous avons exclu la région Île-de-France pour faciliter la lecture du tableau. Celle ci se situe un peu au-dessus de la moyenne avec 45 pour cent de députés cumulards identifiés.
L'autre explication que nous voulons explorer concerne la richesse relative de la région. Nous utilisons ici les données Insee concernant le PIB par tête par région (pour 2011). L'intuition est que les élus seront d'autant plus cumulards (en termes de mandats, nous n'avons pas d'information sur leurs autres fonctions) qu'ils n'auront pas d'autres opportunités économiques à saisir. Plus une région est pauvre, moins les opportunités économiques seront nombreuses. Là encore, les écarts sont importants entre l’Île-de-France avec un PIB par tête d'env. 46000 Euros et la Picardie avec env. 23000.
La relation est plus forte que dans le graphique précédent. Plus une région est riche, moins ses élus tendent à cumuler. La région Île-de-France a encore une fois été exclue des observation pour faciliter la présentation, mais elle se situe parfaitement dans la moyenne, c'est-à-dire dans le prolongement de la courbe de tendance (verte).
La Bretagne et Poitou-Charentes se situent nettement en-dessous de cette courbe, confirmant qu'il sont des "bons élèves", au vu des informations recueillies à ce jour. Le caractère exceptionnel de la région PACA semble encore plus fort ici que dans le graphique précédent. Cette région apparaît clairement comme plus cumularde que la moyenne. La Basse-Normandie, les Pays de la Loire et Rhône-Alpes décrivent, au contraire un axe qui illustre la baisse du cumul avec l'augmentation de la richesse.
En somme, la taille (population/nombre de députés) et la richesse relative expliquent bien la variance en matière de cumul des mandats. Mais ces deux facteurs n'expliquent clairement pas tout. Une analyse plus complète devrait sans doute regarder également la couleur politique, l'ancienneté de l'implantation des élus ou d'un parti ou, encore, le caractère plus ou moins compétitif des élections.
Emiliano Grossman
Emiliano Grossman
Calculs fort intéressants, qui soulignent si j'ai bien compris la particularité de PACA, ce qui demande une réflexion sur les raisons du cumul dans cette région-là. "Toute ressemblance avec des personnages, faits, ou événements récents serait purement fortuite".
RépondreSupprimerEn effet. J'ai trouvé deux ou trois pistes, mais ç'aurait été trop lourd pour la note, mais en somme la richesse n'a pas le même effet modérateur à gauche et à droite...
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