Les élections
européennes de dimanche dernier ont été interprétées
quasi-unanimement, en France comme ailleurs, comme la victoire de
partis populistes eurosceptiques. Comme l’a relevé le fondateur de
UKIP, le parti eurosceptique britannique, Alain
Sked, il y a une certaine contradiction à remporter un succès
lors de l’élection d’une institution dont on met en cause
l’existence même. Pour suivre le raisonnement de Sked, qui a quitté UKIP en 1999, il serait
alors normal de ne pas siéger au Parlement européen et de reverser
son salaire au National Health Service (l’équivalent de
notre sécu). Et pourtant, il y a peu de chances que les 23 députés
UKIP fraîchement élus suivent son conseil : ils risquent fort
de ne pas siéger, mais ils se garderont bien de reverser leurs
salaires.
Qu’en est-il
ailleurs en Europe ? Qu’en est-il en France ? Et, plus important, est-ce que les électeurs sanctionnent l’absentéisme
européen ? La réponse est malheureusement prévisible. En France et en Europe, on tend à récompenser les absents, plutôt que
ceux qui prennent leur mandat électoral européen au sérieux.
Depuis des
années, le site www.votewatch.eu
enregistre toutes les activités des députés européens. Ceux-ci se
sont régulièrement plaints des sites faisant ce type
d’enregistrement. Il est vrai que la quantité d’amendements
déposés n’est guère un bon indicateur de la qualité du travail
réalisé, comme on l’apprend de l’Assemblée nationale en
France. Les chiffres sont néanmoins parlants. Votewatch enregistre
six types d’activités : les rapports parlementaires rédigés,
les opinions écrites, les amendements, les questions parlementaires,
les signatures de déclarations et de motions de résolutions. Ces
activités sont accessibles à tous les députés européens,
contrairement, par exemple, à celle de rapporteur sur une proposition
de directive, qui est nommé par la commission parlementaire
responsable, rôle qui échoit en général à un membre des grands
partis centristes. Pour toutes les activités retenues ici, les
députés n’ont pas besoin d’obtenir un quelconque soutien de leurs pairs. Cependant, toutes ces activités ne représentent pas le même effort : la rédaction d’un rapport, d’une
opinion ou d’un amendement représente un effort plus important,
bien sûr, qu’une question ou une signature. Néanmoins, pour
faciliter la lecture, nous avons simplement additionné les activités
par député pour obtenir des moyennes par groupe parlementaire et
parti.
Le graphique
ci-dessous présente l’activité moyenne par député appartenant à
chaque parti ou groupe (en ordonnée), comparée à l'évolution du
nombre de sièges entre les élections de 2009 et celles de 2014 (en
abscisse). A gauche, on voit le bilan des partis français, à droite
celui des partis européens.
L’information
sur la France est assez parlante. Les députés français ne brillent
pas par leur activisme dans l’hémicycle européen, mais les trois
députés FN sortants n’ont, pour ainsi dire, pratiquement rien
fait pendant leur mandat. Ce n’est manifestement pas ce qui a
motivé le vote des Français, confirmant, une fois de plus, le
statut d’élection de second ordre des élections européennes. Le
FN a gagné 21 sièges par rapport aux élections de 2009.
Sauf pour les
« libéraux » (en l’occurrence, les 6 députés
sortants du Modem), les députés Français se situent nettement
en-dessous de la moyenne européenne en termes d’activité. Or tous
les autres partis ont perdu des sièges par rapport à 2009.
UDI-Modem n’existait pas en 2009, même s’ils semblent gagner un
siège, le Nouveau Centre avait trois députés en 2009. Ensemble
Modem et NC comptaient 9 siège, c’est-à-dire deux de moins que ce
que la liste commune vient d’obtenir.
Et pourtant, en
regardant le graphique à droite, les députés du groupe
d’extrême-droite « Europe Liberté et Démocratie »
(ELD) sont les plus actifs, d’après les données « votewatch »,
suivis par les libéraux de l'ALDE. Le FN, lui, était « non inscrit »
(NI) au cours de cette période, c’est-à-dire le groupe qui gagne
le plus de sièges, en attendant la possible création d’un nouveau
groupe d’extrême droite à l’initiative du FN. Les non inscrits
font partie des groupes les moins actifs et sont les plus grands
gagnants par rapport à 2009, notamment grâce aux scores du FN et du
Mouvement 5 Etoiles italien.
De manière
générale, les groupes européens n’ont pas non plus été
compensés pour leur activisme au Parlement. Le Parti socialiste
européen (PSE) s’en sort plutôt bien, avec un léger gain de
sièges malgré un activisme moyen relativement faible de ses députés.
En somme, et en France et en Europe, ça ne paie pas vraiment de
prendre son mandat électif au sérieux et de représenter les
intérêts de ses électeurs dans l’enceinte européenne.
Il est fort
probable que les choses ne se passent pas très différemment, au
niveau national. Le lien aux députés y est sans doute plus fort
qu'au niveau européen, où les électeurs ne connaissent pas
vraiment leurs députés. Mais même au niveau national, c'est tout
de même la politique nationale qui détermine, pour l'essentiel, les
résultats électoraux, plutôt que le travail réalisé par le
député au Parlement1.
Emiliano Grossman
_______________________________
1
L'excellent site www.nosdeputes.fr
de l'association Regards citoyens permet d'avoir une idée du
travail des députés français.
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