vendredi 20 mars 2015

Départementales 2015 : désunion des candidatures de gauche

Les élections cantonales sont mortes, vive les départementales ! Tel pourrait être le slogan désignant les échéances électorales des deux dimanches prochains. En effet, les 22 et 29 mars, ce ne sont plus des conseillers généraux qu’éliront les Français mais des conseillers départementaux. Au-delà de cette nouvelle appellation, plusieurs évolutions sont mises en place : nouveau mode de scrutin, mise en place de binômes, redécoupage des cantons. Dans ce contexte, comment les partis politiques s’organisent-ils pour élire leurs 4108 nouveaux conseillers départementaux.


Une gauche en « désordre » de bataille

Aujourd’hui, la gauche détient 61 départements sur 101. Il est probable que demain, elle en aura perdu. La vraie question est combien et lesquels ?

En effet, la dynamique électorale enclenchée aux élections municipales de 2014 a toutes les chances de se poursuivre. Grâce à elles, la droite a recouvré une assise locale importante et reconquis le Sénat. Le risque de reculer pour la gauche est d’autant plus important que les candidats qui s’en réclament se présentent fortement divisés. 

Seuls 433 cantons sur 2054 verront la gauche rassembler autour d’un seul binôme (contre 1285 pour la droite). En moyenne, la gauche présentera deux binômes dans un canton sur deux et trois binômes dans un canton sur cinq. Avec un mode de scrutin nécessitant au moins 12,5 % des suffrages des inscrits pour se maintenir au second tour, combiné à une abstention frôlant les 60%, les partis traditionnels sont conduits à privilégier l’union pour éviter de profondes désillusions. Une manière de mesurer l’offre électorale consiste à calculer un taux de fragmentation des binômes de gauche et droite au niveau de chaque canton et d’en déduire un niveau moyen à l’échelle du département. La carte ci-dessous illustre une forte fragmentation de la gauche, en particulier dans les départements où les présidents de conseils généraux sont sortants. Concrètement, les binômes d’union de la gauche ne concernent en moyenne que 35% des cantons contre 45% pour les listes d’union de la droite. En revanche, le Parti socialiste parvient à présenter 998 binômes et l’UMP 420 binômes. Cette situation illustre les difficultés pour la gauche d’organiser l’union en son sein. Europe Ecologie les Verts présentera 249 binômes (sur 387 au total) là où des candidatures socialistes sont également en lice. Enfin, le Front de gauche a également choisi une stratégie d’autonomie vis-à-vis des listes socialistes avec près d’un binôme Front de gauche sur deux opposé à une liste socialiste, et un binôme FG sur quatre face à un binôme d’union de la gauche.


Et à droite ?

Cette fragmentation est-elle seulement l’apanage de la gauche ? La droite est également touchée par la désunion mais à un niveau beaucoup plus faible et surtout dans une configuration singulière liée principalement aux binômes divers droite (DVD). En effet, l’UDI et l’Union de la droite (UD) sont concurrents dans seulement 10 cantons, et l’UMP sera opposée à l’UDI dans 53 cantons. La carte ci-dessous présente la distribution géographique de la fragmentation à droite.
La droite partage avec la gauche un niveau de fragmentation plus élevé dans les 40 départements qu’elle gouverne aujourd’hui. Les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin incarnent cette forte concurrence partisane. Dans d’autres départements tels les Pyrénées-Atlantiques ou les Bouches du Rhône, des binômes concurrents DVD seront opposés aux candidatures d’union de la droite ou de l’UMP.  

Un Front National faiseur de majorité

Autre sujet d’intérêt – voire le plus commenté – est le danger que représente le Front national pour les partis traditionnels. Peut-il jouer les trouble-fêtes et notamment dans le Vaucluse, le Var, les Bouches-du-Rhône, le Nord, le Pas-de-Calais, l’Aisne et la Seine-et-Marne ? À l’issue du premier tour, se trouvera-t-on face à des duels gauche/droite ou bien une majorité de duels gauche/FN ou droite/FN, sans oublier les cas de triangulaires (en cas de forte abstention) ? Des duels dont on sait qu’ils peuvent engendrer des divisions meurtrières au sein et entre gauche et droite quant à la stratégie à mettre en place pour remporter le second tour ?
Si le Front national est présent dans 93% des cantons (contre 71% en mars 2011), la gauche ne présente aucune liste d’union dans les 145 cantons où le parti frontiste est absent. A l’inverse, la droite présente un binôme d’union dans 33 cantons et des listes UMP dans 38 cantons.
Conformément à la stratégie de Marine Le Pen d’imposer le tripartisme, l'enjeu pour le Front National, après les européennes, est de démontrer sa capacité à peser dans un scrutin majoritaire à deux tours, qui jusqu’à présent constituait un obstacle institutionnel de la Ve République à la tripartition de l’espace politique national. Au fond, si le Front national est qualifié au second dans une forte proportion de cantons, c’est le principe même d’alliances électorales qui sera enterré en vue des prochaines échéances.


Les élections départementales de 2015 révèlent un niveau soutenu de désunion à gauche. Est-ce un enjeu ? Incontestablement, la forte nationalisation de ce scrutin obligera au soir du premier tour de faire le bilan du rapport de force gauche/droite. Avec une forte fragmentation des candidatures de gauche, la présence au second tour d’un binôme de gauche est fortement menacée. La dispersion des voix de gauche pour ces élections départementales ravive le spectre du 21 avril 2002 avec une disqualification du candidat socialiste concurrencé par des alliés devenus le temps d’une élection des concurrents redoutables.

Martial Foucault 


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